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18.3.07

IV.

IV.
Et si on mettait Paris en bouteille ? oh oui, dans une belle petite fiole de gabardine,
qu’elle serve à quelque chose. J’irais chasser les pélicans et me soûler la gueule au bord
d’une veine ouverte. Les femmes dans ma gorge feraient des picotins exquis à cause des
talons hauts. Je sentirais les cils des femmes qui caressent mes amygdales et ce serait très
indécent. J’en vois qui surnagent à la ligne de flottaison, elles sont nues comme des sous
neufs. C’est beau. J’en vois aussi un certain nombre entre deux eaux, le ventre gonflé.
C’est moins beau. Tiens, un ami ! Allez hop, on est en démocratie oui ou merde, pas
d’excuses Bernard. Et lâche donc cette porte cochère, tu vois bien que ça ne flotte pas.
Mais l’ivresse me gagne et mes jambes font comme des rames de métro bondées. Le ciel
est beau comme une méduse. Je veux dire qu’il y a de l’orage et qu’il est grand temps
pour moi de regagner mes quartiers. Je serais ce docteur ivre qui voit les choses telles
qu’elles ne sont pas, telles qu’elles rêvent peut-être d’être mais telles qu’elles ne sont pas.
A nos yeux du reste. Les portes ont des découpes de cercueil, à chaque fois qu’on pénètre
dans une pièce c’est pour y trouver une sorte de mort qui n’est rien d’autre que la
conscience accrue du passage et du temps. Il fait bon dans cet appartement que j’aime
comme s’il m’avait engendré. J’ai remplacé tous les miroirs par des fenêtres. Ca m’a
coûté cher en isolants. Il y a cette italienne blonde et fellinienne dans la chambre qui va
vouloir sortir étaler son sex-appeal aux yeux des hommes. Un jour sur deux elle fond en
larmes devant d’anciennes photos d’elle. L’autre jour elle finit chez un homme et ça n’est
jamais moi. Il me reste un fond de fiole mais bientôt, plus rien. Va falloir que je descende
au bar des Quatre Vents et ce soir, le vent tourne. Une vraie girouette. En sortant de la
pièce elle se jette sur moi. La garce. Elle pleure encore. Il y a ses ongles qui me rentrent
dans la chair et c’est à ça que je devine qu’ils sont vrais. Elle me dit : chéri, chéri, sortons
ce soir j’étouffe. Je balance les clefs de voiture sur la table basse et comme elle est en
verre ça fait un boucan qui m’évite de gueuler. Je dénoue ma cravate, énervé, parce que
j’ai eu une journée sacrément longue et que ma fiole est vide. Elle a les yeux rouges la
garce. Elle renifle comme une laie en rut. Elle en a encore pris la garce. Elle s’ennuie à
mourir dans la vie. Elle m’ennuie pas mal aussi. Je passe dans la chambre et m’allonge.
Dans l’encadrement losangé de la porte elle se tient. Elle me dit : dis, on va où ce soir, on
va où ? Sa voix est tendue comme un crin d’archer à cran. Je lui réponds que mon
imagination à des limites. Elle se jette sur le lit à côté de moi et elle dit qu’elle voudrait
revoir la lumière de Rome en hiver, qu’elle est lasse, elle répète qu’elle est lasse de sa vie
qu’elle trouve con. Je lui dis que c’est con de trouver que sa vie est con. J’ai la tête qui
tourne. Y avait quoi dans cette fiole ? Elle dit qu’elle en a marre d’être mariée, que ça ne
rime à rien. Je n’ai plus envie de parler. La chasse m’a épuisé. Je ne suis pas d’un naturel
très patient. Elle dit que c’est ma faute, que j’aurais jamais dû aller la voir, que j’aurais
jamais dû. Elle dit que c’est moi qui ai commencé. Que cette guéguerre, ça lui use les
nerfs. Je lui réponds : ça, chérie, c’est la drogue. Elle me dit que je ne connais rien à la
vie parce que je ne connais rien à l’ennui. Oh comme tu te trompes, pensais-je. Ce soir
elle prendrait la voiture et finirait sous un camion.

Matthieu Gredain

Pour contacter Matthieu Gredain ou un autre auteur de la revue : revuenoiretblanc@hotmail.com ou laissez un commentaire.

Trahison

Je ne pense pas que je vais pouvoir écrire quelque chose qui mérite une bonne note. Il faut essayer de me comprendre. Je n'ai plus de pieds. Un être humain m'a dérobé des morceaux corporels. Aujourd'hui, je trouve cela drôle et encore hier, j'étais morte de rire. Ce n'est pas un barbare. Il aime bien la vue du sang. Un coq qui pond un poussin décapité est une chose possible dans les basses-cour des gens de la ville. J'aime bien danser nue dans ma cuisine. J'aime bien approcher mon nombrile près du four. C'est tellement hilarant d'imaginer être une femme qui fait éclater ses ovaires. Etre une femme avec un ventre qui pue l'extermination. Vouloir mourir beaucoup. Un être humain qui saigne par sa moustache, c'est bizarre et très terre à terre comme vision. Je rigole souvent même si je marche courbée. J'ai un couteau qui sert à couper le rosbif coincé dans le coeur.

Sandrine-Léonard

Pour contacter Sandrine-Léonard ou un autre auteur de la revue : revuenoiretblanc@hotmail.com ou laissez un commentaire .

Le Petit Rêveur Joue de la Batterie

Before you go
Do me a favor
Give me a number
Of a girl almost like you
With legs almost like you
I'm buried deep in mass production
You're not nothing new
I like to drive along the freeways
See the smokestacks belching
Breasts turn brown
So warm and so brown
(Iggy Pop)

CHAPITRE PREMIER

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Les oiseaux dansaient sur le toit, il y a encore une minute, comme des femmes enchantées au bal du village. Le ciel vertical est d’un bleu clair limpide, paisiblement présent. Les oiseaux sont partis le rejoindre – alors que la nuit semble pousser ses premiers cris.
Toto est indécis. Papa avait dit 19 heures; il en est maintenant 20. Faut-il appeler la police? Il se dépêche d’aller demander à Maman. Celle-ci rit, par-dessus son visage gris, et dit que Papa reviendra vite. Papa arrive quelques minutes plus tard. Papa, c’est A.B. Il a travaillé tout le jour à l’usine et vient à peine de terminer. Il est fatigué, il n’a pas envie de jouer, alors Toto va se coucher.
Mais dans la chambre, quand Toto ferme les yeux, ce qu’il voit ne lui plaît pas du tout. Voilà qu’ça recommence !, gémit t-il. Il traverse en toute vitesse la distance qui le sépare de la porte. Puis s’arrête quelques secondes. Il doit aller voir Maman pour lui expliquer ce qui vient d’arriver, pour qu’elle le prenne dans ses bras et lui dise : « Je t’aime mon Toto ». Mais… Maman est une femme! Alors c’est décidé, mieux vaut aller expliquer tout ça à Papa. Il va se fâcher, mais il le faut.
Quand la porte s’ouvre, ses yeux tombent nez-à-nez sur quantités d’images : affiches aux dos de métros filant, s’enlisant dans la nuit –Du Javel qui emmêle, fustige les couleurs / Des crocs. Un poing qui cogne. / Un visage encagé dans l’objectif / Du rouge. Toto pense au ciel de tout à l’heure : il veut qu’il revienne et le prenne sur son dos pour qu’ils partent ensemble.

CHAPITRE 2

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A.B. bouge, s’exerce. Le rythme il l’a dans le sang. Et il connaît les pas. Il n’a jamais eu à les apprendre. Il les a toujours sus. Instinctivement. C’est son show! C’est son œuvre! Il saute haut dans l’air. Il bougeotte. Regarde la batterie. Claque sur la putain de batterie ! La fait hurler sur l’autre. Ouais balance tout ça à la pétasse ! Qui peut rivaliser !? Hein qui PEUT? La pétasse s’écrie. Salope t’as pas compris ou quoi !? T’as pas compris ton rôle!? C’est moi qui chauffe ici ! La salope pleure, hurle. Elle veut lui voler son show ? Elle veut lui voler son show! Il claque la batt’ encore plus fort ! Dans ta gueule ! J’ai dis dans ta gueule ! Quoi ? Quoi ? Qu’est-ce qu’il entend ? Des clics de souris ? Essaie t-elle de s’échapper ? Mais le lien ne fonctionne pas ! Il l’a mis à mort le lien ! Crève ! Crève !
La pétasse est maintenant effondrée sur le sol, en sang. Il s’assoit sur le fauteuil et l’observe. Puis détourne le regard et se met à sourire. Un sourire de joie, de paix intérieure. Il se sent bien. Comme s’il venait d’éjaculer. Puis il rit, il rit très fort. Il voit Toto qui le regarde. Mais Toto n’a pas encore l’âge d’éjaculer. Il sait pas ce que c’est. Il saura !

CHAPITRE 3

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Toto est toujours entrain de le fixer. Qu’est-ce qu’il lui veut !? Soudain, il comprend. « Toto t’as vu des choses encore? », demande t-il. Toto ne répond pas. Il regarde le corps sur le sol. « Toto je t’ai posé une question ! T’as vu ce qu’on a dit qu’il faut pas voir !? ». Toto tourne la tête vers son père. Il le regarde bien dans les yeux. La marionnette orange du noir fusionne avec son père et ils ne font plus qu’un. A.B. comprend immédiatement : Toto est entrain de voir des choses. Les yeux de Toto sont changés, reflètent des choses étranges. « Toto je t’ai dit de ne plus voir ! De ne plus rien voir! », s’écrie A.B alors qu’il se jette à toute vitesse sur Toto.


CHAPITRE 4

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A.B marche dans la rue. Il vient de finir le boulot et s’apprête à rentrer. C’est l’anniversaire de sa femme aujourd’hui. Que va t-il lui offrir ? Il veut sélectionner la voiture garée là-bas, devant ses yeux, la copier et la coller dans son garage pour que sa femme lui fasse un grand sourire et lui dise « t’es un mec toi! ». Mais il n’y a pas de garage chez lui. Dans son monde. Son monde de merde !... Sa femme… femme multipliée… femme de milliers ! Et son Toto qui voit des choses alors qu’on a dit qu’il faut rien voir ! RIEN ! Interdit !
Non il lui faut un autre cadeau. Quelque chose qu’il peut lui offrir.
Ah qu’il aurait voulu revoir tout ça. Rectifier les détails. Retoucher la vie. Changer le zoom aussi. Rétrécir ce qui prend trop de place –Agrandir l’horizon. Taper une nouvelle adresse dans le navigateur. Se poser sur une nouvelle toile. Changer de sphère.
Car oui, il aurait aimé être un de ces intellectuels, de ces écrivains, de ces grands hommes qui nous servent leurs pensées à longueur de journée comme l’on sert le thé tiédasse aux vieux gens fatigués, aux bouches devenues trop sensibles, trop fades, pour accepter l’irruption, le bouillonnement. Oui ce monde lui aurait plu. C’est celui qui encule qui jouit le plus fort.
Mais parfois il se dit qu’au fond, la beauté est fragile et éphémère. Alors à quoi bon la chercher ? Mieux vaut rester comme tel, accepter ce qu’on a bien voulu nous donner.
Non attendez ! Attendez ! Il regrette ! Il… il veut être beau ! Pour un jour, pour une nuit –un instant. Il veut être beau. Pour qu’enfin, on le voit. Il est là ! Il est là ! Regardez-le ! Il est beau maintenant ! Il est beau… il est beau… il veut être beau… il veut être beau…
Un son de rock phat, fumeux, colossal, précis clair et direct, rampait sauvagement dans le goudron et cognait ses semelles de chaussure. A.B. a vu des mers mystérieuses partir pour revenir, des cieux d’Azur concocter des choses bizarres, puis laisser descendre la pluie, la tempête. Il sait que les cieux sont beaucoup trop grands, beaucoup trop hauts, beaucoup trop bleus. Il ne sent que trop fort leur poids énorme. Il rencontre aussi les soleils plus tôt dans la journée, à l’usine, dans l’enfer des tranchées. Il sait leur monstruosité. Et se pose souvent la question, sa question à lui: pourquoi tous les jours la même chose ?
Alors qu’il avance, il veut écrire ce qu’il cherche dans le champ à remplir du logiciel et cliquer sur Entrer, pour trouver ça vite ! Mais il n’en a pas vraiment besoin; ce soir, il n’a qu’à se laisser attirer, diriger par la lumière qui l’appelle, qui a pensé à lui, la gentille infirmière : il va vers les sexes saignants. Les sexes coulant, pataugeant dans les rues qui cognent, car enfermées dans une boîte. Des sexes grands ouverts, profonds, asphyxiants –imposants car posés là; des allées sombres qu’il vaut mieux prendre, avant que l’ombre…
Il s’emprisonne dans le murmure. Les silences sont intolérables. Il a besoin de drogue. Il en a vachement besoin. Il veut libérer son cœur, embellir son regard. Voix, vocifère ! Que je me libère…
Les sexes saignants sont fluides : en eux le temps nous laisse s’en aller. Il alla les chercher.
Dans la rue, quelques passants voient un homme à la démarche incertaine, roulant comme une bille solitaire jetée à la tempête, s’engouffrer dans un bar.

CHAPITRE 5

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Elle voit ce chien de mari lui lécher le visage. Elle se veut morte. Le sang coule à nouveau hors d’elle, suit tranquillement son chemin cruel.
A.B. ne comprend pas. N’est-ce pas nécessaire ? Le sang, comme l’œuf dans une pâte au four, ne relie t-il pas les éléments ? Ne leur donne t-il pas un éclat, un sens, une chance de vie ?
A.B. avait été violent ce soir, dès son retour du bar. A peine arrivé, il a cherché parmi villes assiégées et villages ravagés, sa batterie. Il en a besoin. Il lui faut claquer sur la bête pour faire monter la température. Alors il a claqué, claqué, claqué encore et encore… Il aime beaucoup ça. C’est ça son boulot au fond, le sens de sa présence, il est l’artiste de son art. Le meilleur. Quand il claque, il vole. Quand il vole, toutes les ombres se faufilent dans leurs longs fils pour se cacher.

CHAPITRE 6

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Toto est couché. Dehors, le ciel est noir, mais calme, proche de Toto. Le vent tape gentiment à sa fenêtre, comme un doux présage. Toto connaît les ondes. Quand il les entend venir à lui, il se rapproche automatiquement d’elles et les décodent. Ainsi, il se lève de son lit et marche lentement vers la chambre de Papa et Maman. En route il aperçoit Maman qui regarde la télé au salon. Son visage est blessé mais elle lui fait un grand, un très grand sourire, vaste comme la mer en vacances, la mer qui accueille ceux qui sont heureux, ceux qui veulent bien qu’elle respire jusque dans leurs corps. Il continue son chemin vers l’autre chambre. Quand il ouvre la porte, il voit Papa. Papa est suspendu en l’air. Papa a un tissu autour du cou.

FIN

Kebina

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Vodka ice, fric en pagaille et autres futilités…

Je porte une montre Cartier, une bague à 1000 euros, un gloss Dior effet bouche pulpeuse avec un résultat Pamela Anderson garanti au dos du tube, et je devine déjà l'arnaque mais tant pis. Je suis auto bronzée à mort par toutes les séances d’UV que je m’envoie par jour. Il y’a des temps réglementaires que je ne connais même pas, et que je n’ai d’ailleurs jamais demandé, faute de temps. Ma mère m’a dit que je finirai par crever d’un cancer de la peau. Je lui ai dis qu’elle me foute la paix et qu’elle ferait mieux de se lifter son visage affaissé. Je l’ai tellement vexé qu’elle a tourné les talons et claquer la porte la pouffiasse.
Je suis riche mais je ne l’ai pas fait exprès, l’hérédité peut parfois faire des miracles. La richesse ouvre ô combien de portes, celle de l’avarice, de la luxure et du bonheur sans frontière.
Je me noie dans des orgies de fringues, d’alcool et de coups d’un soir. Et sachez que les bons, nom de Dieu, ça ne court pas les rues. Le mode d’emploi pourrait se résumer à dire que messieurs le point G ne se trouve pas à la plante du pied ou en tout cas, pas chez moi. J’ai 27 hommes à mes soins, et pas des moindres. J’ai des Brad Pitt, Johnny Depp et des Jude Law en un cliquage de doigts.
Si je devais parler d’amour, c’est malheureux à dire, mais j’en dirais pas grand chose. J’y ai laissé ma peau, et pour un rien aujourd’hui je tombe mon string. J’ai trouvé ça trop éreintant de donner un cœur en plus d’un corps. Du coup, je grille ma vie entre des bras différents, des parfums différents et des hommes qui baisent tous différemment.
Je porte à mes lèvres mon bulle rosé d’une main et ma vodka ice de l’autre main, je casse les perles nacrées qui entourent mon cou, juste histoire de dire que j’en ai rien à foutre d’être la fille de machin chose. Je suis moi même avant tout et le reflet que renvoie mon miroir me provoque des orgasmes incessants.

Priscilla

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11.3.07

Un substitute de Journaliste

Je viens de sortir du film de Vikash Dorhassoo « Substitute » et en un instant je me suis sentis concerné par les déboires de ce garçon. Comme lui on m’avait fait de belles promesses jamais tenues, comme lui j’ai été trahis par mon père, comme lui je ne jouerais jamais la finale de la coupe du monde alors que l’on me l’avait juré et comme lui j’ai l’impression d’être remplaçant et que les titulaires sont exécrables mais installé par le choix du roi.

Ma vie se résume à celle d’un coiffeur (terme footbalistique pour expliquer que l’on est pas grand chose au milieu d’une sphère qu’elle soit ballon ou terre qui roule pour le fric et la gloire), je suis conditionné à me lever le matin, à ouvrir les fenêtres, à m’habiller (parfois), à glander beaucoup dans ma chambre, à lire Jonathan Coe, à fermer ma fenêtre, à me déshabiller pour aller me coucher.

Fred Poulet filmait les déconvenues multiples allemande de son champion en caméra 8mm. Tout le monde (même David Lynch) utilise dorénavant le numérique pour coucher sur un DVD papa-maman en train de faire de sales choses, ou le petit dernier qui fête ses 4 printemps… Mais putain c’est magique ce grain dégueulasse. Je confirme que la beauté n’a pas été crée dans les roses mais plutôt qu’elle prend forme dans un désert aride, ou ta gorge pique d’être sèche. C’est en étant l’enfer qu’on se rend compte de l’horreur du paradis.

Toutes nos imperfections sont décuplées et les qualités mises à mal par un floutage technique. Voilà, c’est dit. Je suis un footballeur sans short et maillot, sans numéros, sans rôle bien défini. La similitude avec Dhorasso ne s’arrête pas là, car à un moment dans son documentaire, il pense enfin rentrer en jeu pour confirmer au grand public, son talent. Mettre tout le monde d’accord en 90 minutes. Et là, manque de chance ses céréales tombent de la table : il sent une douleur à l’adducteur. Impossible de chopper le bol qui s’offre à lui.

J’ai vécu cette expérience pas plus loin qu’il y a une semaine. On m’explique à ce moment là qu’il n’y a personne dans le service pour s’occuper de la conférence de presse de Michel Sardou. J’imagine que ces salauds se sont dégonflés et que je serais moi même bien inspiré d’en faire autant.
Je loupe tous les matchs de prestiges pour me voir confier celui de gala le plus déshonorant qui soit. Michel SARDOU quoi !

Je suis l’homme de l’ombre qui gratte ses piges sur de vrais artistes non commerciales, qui coupe en 4500 signes des interviews intéressantes pour entrer dans le maigre cadre qui m’est octroyé, même que parfois je fais ça par passion. Là d’un coup j’ai une double page au service du bouffon des gala Camus and Cie.

Je peux simuler une attaque, un manque de souffle, un problème d’adducteur également. Mais fichtre, je me dis que même pour un salaud populiste il faut savoir serrer les dents, rentrer sur le terrain et savoir éliminer son adversaire par une question de choix. La reconnaissance et la fierté d’un homme blessé peuvent mener à penser n’importe quoi.

Donc rendez-vous est pris. Et tels est pris qui croyait pendre ! La corde et la langue bleu je l’ai eu a la première seconde. Pour commencer, comme les footballeurs gallinacés nous sommes encadrés le voyage vers sa conférence de presse est organisé, millimétré et pas un pet de travers n’est accepté. Tu prends le train mais en bonne compagnie.
Pour ma part, 2 journalistes « officiels ». De grands organes de presse. Un gars-Une fille. Chouchou et Loulou. 2 maîtres du barreau. Des supérieurs à ma caste. Dans mon échelle professionnelle, il y a le journaliste web, le journaliste presse écrite pigiste, le journaliste presse écrite de droite et enfin le journaliste télé.

Moi je suis au deuxième stade. Je pense que mathématiquement passer de 2 à 4 est très difficile. Bon mes spécimens en III me disent bonjour par politesse. Je suis l’indigent de service. La secrétaire d’une AG qui fait du bon café. Une femme comme une autre. Je m’imagine fort bien m’embusquer dans un coin et lire mon bouquin. Mais non, on me fait comprendre que par volonté d’état pour la fracture sociale : J’ai le droit de siéger dans le TGV à leur coté… attention : il faut que je comprenne qu’écouter m’est permis mais commenter m’est proscrit.

Alors là, festival. J’ai branché mon dictaphone qui chauffe. L’inanité n’a pas de prix sinon ils seraient tous deux très riches. Je remarque qu’aucun de ces professionnelles n’a encore planché sur la question michou. Là j’ai une longueur d’avance mais finalement cela me dessert, car bûcher sur le tard c’est un exercice d’excellence.

Rien ne sert de préparer il faut questionner à poing.

J’apprend que Patrick Bruel couche avec tout ce qui bouge, que le garçon rédacteur est un fidèle ami de Pascal Sevran (dois je le féliciter ou le plaindre ?) et que la fille elle tape plus fort encore avec le gîte et le couvert pour Yves Duteil. Tous les artistes sont leurs amis ! moi je n’ai pas d’amis car je suis autiste.

1 heure de train c’est court quand on aime les voyages mais très long quand l’on sait que tout se ferme chez l’homme sauf ses oreilles. Le gars me branche sur la qualité artistique de Sheila, dans ma position de tricard payé au lance pierre, je ne peux que lui dire qu’il a entièrement raison mais que bon Adrienne Pauly c’est chouette aussi.

S’en fout d’Adrienne. Elle fait quoi Adrienne ? Elle vend combien ? Elle amène la ménagère de moins de 50 ans à se toucher ? Elle remplie des stades ou des Intermarchés ?

« Bhen non mais si la quantité était gage de qualité cela se saurait » lui dis je. Il fait le sourd. Leurs contacts me fait rimer. J’adore. Et après tout chacun ses goûts. Je ne bois pas le coup avec Adrienne mais je la vois sur scène un point c’est tout (je foisonne de rimes là).

Ok, le mec installé dans un bistrot à écouter les larsens et à aimer ça c’est moi. Le mec qui fait des salles polyvalentes et les suivantes c’est moi encore. Que voulez vous je ne suis pas la foule mais j’avance. Nuance.

La journaliste (peut être serait il juste d’employer le féminin pour ces 2 léopards pleins de tâches) se maquille. 1 heure de trajet : 3 ravalements de façades. L’image, le physique, l’esthétique : elle devrait bosser pour Elle ou Marie-Claire et pas pour des pages culturelles.

Vu qu’ils taffent aussi dans le livre, je lance un sujet. Sur mes auteurs fétiches. Là peut être allons nous nous rejoindre et finir le voyage en partouze. J’exprime mon profond intérêt pour un auteur anglais qui ne fait pas des best-sellers mais de bons livres. Tintin me demande de quand date cet ouvrage. « 2001 ». Ha il peut pas connaître il s’est mis à travailler les chroniques de livres qu’à partir de 2003. Quand il s’occupera des fiches cuisines il sera peut être un bon cuisinier ?

Un coup dans l’eau. 2ème essais vers la dame qui a finit de se peindre les lèvres. Je prends une voix très sympathique pour clamer le prestige d’une dernière sortie Gallimard. Régis Jauffret. « Microfictions ». « combien de pages ? » est sa question. « 1000 » est ma réponse. « Trop long, moi je m’arrête aux livres de 150 pages tout au plus ». Génial : Guerre et Paix c’est usant de résumer. Trop gros, trop lourd. Et Russes en plus.

Je prie pour que le train n’est pas de retard. Dieu dans sa clémence m’exauce. Direction Michel. Je me demande si Adrienne Pauly serait pas partante pour une conf de presse : elle et moi ? sans personne autour. Sans l’ombre d’un journaliste. Mais là, par contre, j’ai beau implorer les cieux rien ne vient et Michel m’attend.

Pierre Derensy

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Metro Porte de Vincennes

Metro porte de Vincennes, je suis assise, lui aussi …il y a deux sièges qui nous séparent...
Il joue sans s'arrêter avec sa gratte, elle est rose je l'aime bien.
Il balance son pied et moi je fais valser mon esprit et mes rêves en le regardant jouer.
Il porte une boucle à l'oreille gauche, il est bien concentré, je l'observe.
Nous sommes là assis dans cette bouche de métro en ayant chacun l'esprit ailleurs.
Le métro est là, je ne le prends pas, je reste encore un peu, la musique n'est pas fameuse, il y a quelques faux accords... mais c'est ça qui me plait.
Et en une fraction de seconde je nous imagine à la campagne,
l'air est si doux en cette fin d'après midi d'été, lui qui joue et moi qui balance ma tête …
Il n'y a rien autour, juste le ciel et des milliers de coquelicots …
Comme par magie puis…
Merde, mon téléphone sonne, je dois arrêter maintenant …
De rêver.

ilana

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7.3.07

Dear Brother

Quand tu tords mes poignetsEt m’ordonne de m’en aller
Je pleure car c’est moi qui dois apprendre
C’est donc moi que tu devrai prendre
Je jalouse celles que tu baises
Quand avec moi tu te contentes d’un baiser
Je goute si fort ce malaise
Que tu m’imposes par ta cruauté
Arretes de me toucher comme une enfant
Arretes de me traiter comme une gosse
Au lieu de me dire gentiment bonne nuit
N’aie aucune clémence
Coinces-moi au fond de mon lit
Et là fais-moi violence
Je suis gluante de honte
Mais en vérité, ne veux l’etre que de ton foutre
Tremblements, brulures et peursTes mains sur moi
M’apaisent bien plus que tes sermons
Me glisser autour de toi
M’est plus doux que toutes tes recommandations
Plutot tes gifles que ton indifférence
Illusion de souffrance
Qui s’efface si tu me prends contre toi
Et susurre en tirant mes cheveux
Que je serai toujours à toi

Dahlia

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4.3.07

Mes Cellules T4

Chacun sa merde, ces statistiques a la con, ces histoires de haine, ces grosses conneries. Si t’es noir, tu meurs, tu veux l’amour, tu récolteras la mort. Tes cellules T4 ont baissées, tu va bientôt crever, tu t’en fous, tu veux tous les tuer, l’infirmière qui vient te parler, grosse conne qui vient te faire chier et le type qui passe a la télé et qui attend le second retour de l’autre kemé.

Toi, tu sais, tu sais tout mais tu ne dis rien, tu as le cœur trop bon pour agir comme un sale garçon, pourtant quand elle appelle ton nom, tu ne peux t’empêcher de murmurer, je veux te tuer pétasse et elle entends mais elle ne dit rien.

Monsieur, nous avons vos résultats, entrez, entrez, salope, entrez.

Bon, asseyez vous, comme je vous disais, j’ai vos derniers résultats et ils ne sont pas bons, pas bon du tout, tu vas crever sale chienne.

Vous m’entendez ?

Vous m’entendez ?

Bon, comme prévu, vos cellules T4 ont baissées, de plus votre lymphe nymphatique est en très mauvais état, je te déteste, je te hais, sale chienne, si tu savais comme je t’ai …. il se peut que la maladie ait atteint toutes les parties de votre corps.

Comme vous le savez votre état est incurable, le Docteur Ashtkin avant de disparaître a dit que….Malheureux vous qui souffrez tant dans ce monde, de douleur, il faut que je vous abonde, je pense qu’il faudra associer le Deladir avec un peu plus de D.D.I., vous comprenez, nous ne pouvons pas vous laisser sortir dans cet état, vous etes un danger pour la société, il se peut de plus que votre état se détériore davantage, je vais prendre cet ouvre-lettre et le planter dans ta gorge, le sang va couler, le sang va couler et moi je vais sourire, de plus les infirmiers m’ont informés que vous ne preniez plus vos médicaments, etes vous conscient du risque que vous prenez ?

Monsieur.

Monsieur.

Vous m’entendez ?

Il faut que vous vous soignez, c’est décidé, je le fais, au prochain mot qu’elle prononce, je me lève et je saute sur elle, un mot, une syllabe, une phrase et elle est morte, elle va pisser du sang au début, puis elle va avoir mal et dans ces yeux, elle verra ma haine, ma haine, ma haine des autres, ma haine pour ces chiens, pour ceux qui m’ont donné ce mal, ces maux, ma haine…..ce n’est rien, il suffit que ces lèvres bougent, bougent une fois de plus et cela va se terminer de façon horrible, atroce.

Monsieur Naglaa, vous souffrez de démence et de ……NON, NON, NOOOOOOOOOOOON.

Anthony Naglaa

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Le bonheur est dans le compte

Mercredi 15 novembre. 19 H 22. Le thermomètre indique 18°2 lorsque je pénètre dans mon appartement. La différence est épidermiquement palpable avec la température de mon bureau surchauffé que je viens de quitter.

Je suis un Bureaucrate. Oui, Bureaucrate. C’est le qualificatif que certains ouvriers du petit bar (celui du coin de la rue du château et du boulevard d'un maréchal qui a sacrifié des vies) m'attribuent.

Je suis bureaucrate pour un employeur pour qui je réfléchis et qui, en échange, m'alimente via un ordre de sa banque à ma banque. En fait, il alimente l'ordinateur de mon banquier de 0 et de 1 et ces chiffres ordonnés scientifiquement permettent d'alimenter mon estomac avec ma petite carte rectangulaire et bleue.

Je rentre un peu harassé de ma journée. Sur le chemin, avec ce fameux bout de plastique amélioré, je me suis fait un petit plaisir, un petit rien. Je me suis acheté une Leffe blonde à deux euros (et à 6,6°). Je me suis aussi alimentairement offert un plat tout prêt. Ces judicieux achats ont été effectués chez Mehmet (il tient la petite épicerie du quartier). C'est un peu ma récompense pour avoir réussi à faire écouler une journée qui ne m'a pas paru plus gratifiante que de vendre du temps pour se nourrir.

On a qu'une vie, alors je l'emploie savamment à travailler pour gagner de l'argent (la finalité n'est pas d'engranger de l'argent, je me l'accorde. Le but est plutôt de le dépenser. Mais c'est comme ça qu'on dit, alors pour ne pas faire preuve d'originalité c'est ainsi que je le formule).
Oui, j'ai de l'argent. En plus, pour être tout à fait franc, mes parents sont généreux. Ils ont aussi réussi dans la vie. Alors, l'équation donne un résultat satisfaisant en terme de 0 et de 1 pour l'ordinateur de mon banquier.

Je pénètre dans mon appartement et je file directement aux toilettes. C'est jouissif.
Ensuite j'appuie sur le bouton noir « on/stand-by » de mon ampli sharp et lance le CD inséré qui reproduit dans les enceintes la musique d'un petit groupe de trip-hop grenoblois. Pour continuer sur la lancée de mon rituel bien établi, je me désape consciencieusement afin de ne pas froisser mon déguisement de travailleur (« déguisement » étant ici employé comme un synonyme tout à fait recevable de costume dans mon cas). J'enfile une tenue plus adaptée à la fraîcheur hivernale des lieux et à mon activité à venir. Et puis, je ne vais pas porter des fringues chères et « à repasser » pour mon simple contentement, ce type d'attirail n'a d'utilité que sociale. Enfin, moment tant attendu, j'ouvre avec délectation anticipée mes 50cl de Leffe.

Contrairement à Delerme, ce n'est pas la première gorgée que je préfère, c'est la première canette.
L'ivresse me gagne doucement. Cette sensation est agréable. Apaisement et oubli des pensées à la traîne de ma journée.

Le travail, ça prend du temps de pensée dans la vie d'un bureaucrate. Or, mon truc dans la vie c'est pas trop le travail. Mais à part le travail, j'ai pas non plus trop de choses qui me stimulent. L'amour, peut-être ?
Oui, l'amour c'est un truc qui pourrait être un leitmotiv. Mais moi j'ai déjà une amoureuse et ce passe-temps ne me motive plus tant que ça.

C'est pour ça que j'aime bien m'enivrer.

Une fois ma bière terminée, moi-même déterminé, je m'oriente vers mon placard (celui intégré dans le mur de mon salon, face à la porte de la chambre) et je me choisis un Digital Versatil Disc que je n'ai pas encore vu. J'hésite entre un film d'auteur islandais (101 Reykjavik) ou un classique américain des années 50 avec P. Fresnay (Barry) ou D. Powell (c'est arrivé demain).
Oui, parce qu'en plus d'être bureaucrate, je suis aussi cinéphile. Enfin, j'essaye de l'être parce que ça fait partie du costume complet que je me complais à revêtir.

Je mange mon plat tout prêt devant ce chef d’œuvre d'un artiste désigné ainsi par des critiques avisés. Le repas que Marie m'a préparé est relativement savoureux, mais il n'en demeure pas moins peu copieux. Ce produit bien marqueté ne cale pas mon appétit. Bien au contraire. Mais malgré mon travail journalier pour remplir mon frigo, celui-ci est désespérément vide (le virement de mon employeur n'a rempli que l'ordinateur de mon banquier, pas mon frigidaire).
Mon sang ne fait qu'un tour. Il faut que je m'offre un autre petit plaisir. J'opte pour une coupe de glace à la noix de macadam (portion individuelle) ou d'un nom s'approchant. J'accompagne ce second petit rien du jour d'un verre de crème de whisky. Ce breuvage est peu alcoolisé, mais c'est sa saveur que je recherche, pas l'ivresse qu'il pourrait me procurer.

Ma journée est maintenant terminée. Je vais enfin pouvoir me diriger vers mon lit, mais quelque chose ne va pas en moi. J'ai ce sentiment perturbant d'insatisfaction (un peu comme quand je n'ai pas réussi à jouir pour le final d'un ébat amoureux).

Je n'ai pourtant pas de raison d'être insatisfait (pas non plus d'être satisfait).

Je le suis pourtant (insatisfait).

En y réfléchissant bien, je pense que j'aurais dû acheter deux canettes de Leffe.

Benoit ILL

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La supplique de l'attente.

J'économise ma bière, le bar commence à se remplir.Un groupe de filles vient s'asseoir sur la table d'à côté.
J'attends.
Je m'efforce de ne pas regarder autour de moi.
Je suis seul, assis au fond d'un bar sombre.Les gens me lancent des regards soupçonneux.
Je ne resterai pas seul bien longtemps, elle ne devrait plus tarder maintenant.
Mais en attendant ils se posent des questions.

Ils rient entre eux.
Ils rient fort, sans aucune pudeur ni retenue.
Je déchiffre les affiches de réclame pour d'obscures marques de whisky. J
e lis tout ce qu'il y a à lire, J'attrape la carte et commence à lire de haut en bas.
Je la connais déjà par cœur.
Le nom de chaque marque de bière et tous les prix correspondant.
Je regarde l'heure sans arrêt et commande des verres pour aider les minutes à s'écouler.

Le temps s'enfuit et je n'essaie même plus de le rattraper.
Les minutes se sont transformées en heures, Les jours en semaines, Les semaines en mois. Depuis ce soir où tu n'es pas venue.
Je ne compte plus les années passées à cette place au fond de ce bar.
A boire la même bière. A regarder les heures passer.
A mourir en attendant
Et à ne même plus savoir ce que j'attends.

Matthieu Sala

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