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11.3.07

Un substitute de Journaliste

Je viens de sortir du film de Vikash Dorhassoo « Substitute » et en un instant je me suis sentis concerné par les déboires de ce garçon. Comme lui on m’avait fait de belles promesses jamais tenues, comme lui j’ai été trahis par mon père, comme lui je ne jouerais jamais la finale de la coupe du monde alors que l’on me l’avait juré et comme lui j’ai l’impression d’être remplaçant et que les titulaires sont exécrables mais installé par le choix du roi.

Ma vie se résume à celle d’un coiffeur (terme footbalistique pour expliquer que l’on est pas grand chose au milieu d’une sphère qu’elle soit ballon ou terre qui roule pour le fric et la gloire), je suis conditionné à me lever le matin, à ouvrir les fenêtres, à m’habiller (parfois), à glander beaucoup dans ma chambre, à lire Jonathan Coe, à fermer ma fenêtre, à me déshabiller pour aller me coucher.

Fred Poulet filmait les déconvenues multiples allemande de son champion en caméra 8mm. Tout le monde (même David Lynch) utilise dorénavant le numérique pour coucher sur un DVD papa-maman en train de faire de sales choses, ou le petit dernier qui fête ses 4 printemps… Mais putain c’est magique ce grain dégueulasse. Je confirme que la beauté n’a pas été crée dans les roses mais plutôt qu’elle prend forme dans un désert aride, ou ta gorge pique d’être sèche. C’est en étant l’enfer qu’on se rend compte de l’horreur du paradis.

Toutes nos imperfections sont décuplées et les qualités mises à mal par un floutage technique. Voilà, c’est dit. Je suis un footballeur sans short et maillot, sans numéros, sans rôle bien défini. La similitude avec Dhorasso ne s’arrête pas là, car à un moment dans son documentaire, il pense enfin rentrer en jeu pour confirmer au grand public, son talent. Mettre tout le monde d’accord en 90 minutes. Et là, manque de chance ses céréales tombent de la table : il sent une douleur à l’adducteur. Impossible de chopper le bol qui s’offre à lui.

J’ai vécu cette expérience pas plus loin qu’il y a une semaine. On m’explique à ce moment là qu’il n’y a personne dans le service pour s’occuper de la conférence de presse de Michel Sardou. J’imagine que ces salauds se sont dégonflés et que je serais moi même bien inspiré d’en faire autant.
Je loupe tous les matchs de prestiges pour me voir confier celui de gala le plus déshonorant qui soit. Michel SARDOU quoi !

Je suis l’homme de l’ombre qui gratte ses piges sur de vrais artistes non commerciales, qui coupe en 4500 signes des interviews intéressantes pour entrer dans le maigre cadre qui m’est octroyé, même que parfois je fais ça par passion. Là d’un coup j’ai une double page au service du bouffon des gala Camus and Cie.

Je peux simuler une attaque, un manque de souffle, un problème d’adducteur également. Mais fichtre, je me dis que même pour un salaud populiste il faut savoir serrer les dents, rentrer sur le terrain et savoir éliminer son adversaire par une question de choix. La reconnaissance et la fierté d’un homme blessé peuvent mener à penser n’importe quoi.

Donc rendez-vous est pris. Et tels est pris qui croyait pendre ! La corde et la langue bleu je l’ai eu a la première seconde. Pour commencer, comme les footballeurs gallinacés nous sommes encadrés le voyage vers sa conférence de presse est organisé, millimétré et pas un pet de travers n’est accepté. Tu prends le train mais en bonne compagnie.
Pour ma part, 2 journalistes « officiels ». De grands organes de presse. Un gars-Une fille. Chouchou et Loulou. 2 maîtres du barreau. Des supérieurs à ma caste. Dans mon échelle professionnelle, il y a le journaliste web, le journaliste presse écrite pigiste, le journaliste presse écrite de droite et enfin le journaliste télé.

Moi je suis au deuxième stade. Je pense que mathématiquement passer de 2 à 4 est très difficile. Bon mes spécimens en III me disent bonjour par politesse. Je suis l’indigent de service. La secrétaire d’une AG qui fait du bon café. Une femme comme une autre. Je m’imagine fort bien m’embusquer dans un coin et lire mon bouquin. Mais non, on me fait comprendre que par volonté d’état pour la fracture sociale : J’ai le droit de siéger dans le TGV à leur coté… attention : il faut que je comprenne qu’écouter m’est permis mais commenter m’est proscrit.

Alors là, festival. J’ai branché mon dictaphone qui chauffe. L’inanité n’a pas de prix sinon ils seraient tous deux très riches. Je remarque qu’aucun de ces professionnelles n’a encore planché sur la question michou. Là j’ai une longueur d’avance mais finalement cela me dessert, car bûcher sur le tard c’est un exercice d’excellence.

Rien ne sert de préparer il faut questionner à poing.

J’apprend que Patrick Bruel couche avec tout ce qui bouge, que le garçon rédacteur est un fidèle ami de Pascal Sevran (dois je le féliciter ou le plaindre ?) et que la fille elle tape plus fort encore avec le gîte et le couvert pour Yves Duteil. Tous les artistes sont leurs amis ! moi je n’ai pas d’amis car je suis autiste.

1 heure de train c’est court quand on aime les voyages mais très long quand l’on sait que tout se ferme chez l’homme sauf ses oreilles. Le gars me branche sur la qualité artistique de Sheila, dans ma position de tricard payé au lance pierre, je ne peux que lui dire qu’il a entièrement raison mais que bon Adrienne Pauly c’est chouette aussi.

S’en fout d’Adrienne. Elle fait quoi Adrienne ? Elle vend combien ? Elle amène la ménagère de moins de 50 ans à se toucher ? Elle remplie des stades ou des Intermarchés ?

« Bhen non mais si la quantité était gage de qualité cela se saurait » lui dis je. Il fait le sourd. Leurs contacts me fait rimer. J’adore. Et après tout chacun ses goûts. Je ne bois pas le coup avec Adrienne mais je la vois sur scène un point c’est tout (je foisonne de rimes là).

Ok, le mec installé dans un bistrot à écouter les larsens et à aimer ça c’est moi. Le mec qui fait des salles polyvalentes et les suivantes c’est moi encore. Que voulez vous je ne suis pas la foule mais j’avance. Nuance.

La journaliste (peut être serait il juste d’employer le féminin pour ces 2 léopards pleins de tâches) se maquille. 1 heure de trajet : 3 ravalements de façades. L’image, le physique, l’esthétique : elle devrait bosser pour Elle ou Marie-Claire et pas pour des pages culturelles.

Vu qu’ils taffent aussi dans le livre, je lance un sujet. Sur mes auteurs fétiches. Là peut être allons nous nous rejoindre et finir le voyage en partouze. J’exprime mon profond intérêt pour un auteur anglais qui ne fait pas des best-sellers mais de bons livres. Tintin me demande de quand date cet ouvrage. « 2001 ». Ha il peut pas connaître il s’est mis à travailler les chroniques de livres qu’à partir de 2003. Quand il s’occupera des fiches cuisines il sera peut être un bon cuisinier ?

Un coup dans l’eau. 2ème essais vers la dame qui a finit de se peindre les lèvres. Je prends une voix très sympathique pour clamer le prestige d’une dernière sortie Gallimard. Régis Jauffret. « Microfictions ». « combien de pages ? » est sa question. « 1000 » est ma réponse. « Trop long, moi je m’arrête aux livres de 150 pages tout au plus ». Génial : Guerre et Paix c’est usant de résumer. Trop gros, trop lourd. Et Russes en plus.

Je prie pour que le train n’est pas de retard. Dieu dans sa clémence m’exauce. Direction Michel. Je me demande si Adrienne Pauly serait pas partante pour une conf de presse : elle et moi ? sans personne autour. Sans l’ombre d’un journaliste. Mais là, par contre, j’ai beau implorer les cieux rien ne vient et Michel m’attend.

Pierre Derensy

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