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28.8.07

Au Fond Du Trou

Il m’a donné un enregistreur pour que je vous explique pourquoi il faut que vous me sortiez d’ici au plus vite. D’abord, je l’ai laissé traîner à côté de moi dans une obscurité si profonde que mes yeux ne s’y sont pas encore habitués. Je n’avais pas trop envie, au début, mais je m’ennuyais tellement que je me suis dit que c’est peut-être mieux de tout vous raconter.
Je ne sais pas depuis combien de temps il m’a jetée dans ce trou. Ca me paraît tellement long que je dirais au moins quinze jours même si je crois bien que ça fait beaucoup moins. La pièce est ronde, comme ce bocal où mon petit poisson tourne à en devenir fou depuis des années, même qu’il a perdu sa belle couleur noire veloutée pour devenir rouge et puis tout doré. Je me demande si je suis en train de changer de couleur moi aussi. Sûrement parce qu’ici, c’est tellement étroit que je peux à peine m’allonger.
Il me jette du pain de temps en temps et il m’oblige à le manger en me disant qu’il a un fusil pointé sur moi et que ça va mal se passer si je n’obéis pas. Il ne me laisse jamais sortir, même pour, enfin, vous voyez quoi. Et l’endroit où il m’a enfermée est si exigu que ça sent mauvais. J’essaie de me retenir tant que je peux mais il faut bien que je me lâche à certains moments. Pour pas que mon corps explose. Et je dors dans ce qu’i n’arrive plus à contenir. Je me répugne, pour la toute première fois de ma vie.
J’ai tout le temps froid. Je lui ai dit. Et il s’en fiche. Il n’a pas voulu me donner de couverture. Il m’a dit que j’aurai droit à un peu plus de confort quand vous lui aurez envoyé un peu d’argent. « On n’est pas dans un cinq étoiles comme chez tes parents », il me le répète tout le temps. Alors j’essaie de penser à des choses gaies comme quand je me faisais faire une nouvelle coiffure après avoir passé toute la journée à dévaliser mille et une boutiques en buvant du champagne avec mes copines.
Je crois bien que je vais mourir si vous ne faites rien. Je vous préviens : je n’ai pas de dernières volontés. Enfin si, juste une : je voudrais que mon poisson puisse nager dans la piscine parce que maintenant je sais combien il doit souffrir et avoir peur lui aussi.
Je n’aime pas parler dans ce stupide appareil. Je ne suis même pas certaine qu’il enregistre tellement je n’y vois rien. Je parlais de coiffeur et je sais que j’en aurai bien besoin si je sors un jour d’ici. Il m’a coupé mes jolis longs cheveux avec un grand couteau. Je pleurais tellement qu’il m’a giflée violemment. Il m’a dit d’arrêter tout ce cinéma sinon son grand couteau continuera à s’amuser sur moi.
Il a dit qu’il faut vous convaincre de lui verser dix millions de dollars. Il a encore dit que ça ne se verra pas trop sur tous les chiffres de votre compte en banque. Alors je vous en prie, sortez moi de là. Je vous promets de ne plus jamais écumer les boutiques sans compter, de ne plus jamais bousiller une seule voiture en reculant contre un mur, d’être une gentille fille et tout ça. Mais je vous en supplie, sortez moi de là.

***

Ici, c’est comme si j’étais en enfer. Ca fait longtemps maintenant qu’il m’a fait parler dans cet enregistreur qu’il m’a à nouveau donné. Il m’a dit que vous étiez contents de vous être enfin débarrassés de moi. Il m’a dit de vous dire que j’allais bientôt mourir. Je me sens si faible que je crois que ça se passera très naturellement. J’espère juste que je ne souffrirai pas. Pitié, je vous en conjure, envoyez lui son fric à ce con !

***

Il m’a dit que personne n’avait le droit de le traiter de con. Il m’a encore dit que personne ne viendra jamais me délivrer parce que c’est vous qui l’avez payé pour s’occuper de moi. Il raconte que vous en aviez marre, que j’allais finir par vous ruiner avec mon train de vie exagéré, que vous étiez prêts à payer ce qu’il fallait pourvu que je ne traîne plus dans vos pieds. Et que vous l’avez fait. Il paraît que vous étiez tellement soulagés !
Il m’a dit qu’il est très riche maintenant. Je crois aussi qu’il est très content. « C’est pour demain », ça aussi il me l’a dit, je m’en souviens. J’attends et j’ai de moins en moins peur parce que je suis tellement triste de tout ce gâchis. Et je vous déteste tous autant que vous êtes. Parce que vous m’avez vendue, abandonnée. Moi, votre princesse chérie, adorée. Mais je crois que ce n’est pas ça le pire. Le pire, c’est quand il m’a expliqué qu’il avait revendu mes cheveux à un perruquier. De ça c’est sûr, jamais je ne m’en remettrai.

Laura Berent

Pour contacter Laura Berent ou un autre auteur de la revue : revuenoiretblanc@hotmail.com ou laissez un commentaire .

Deux Petits Raisins Secs

Il y a de l’eau de javel qui coule et qui m’éreinte, les premiers souvenirs de mon enfance et déjà l’éther, la douleur.
Je me souviens, de tout, l’odeur acre, les brûlures et ma mère qui frotte, qui frotte.

Je crois bien que c’est après cet événement que mon pére l’a fait interné.
Pauvre dame, une femme bien mais je crois que ses maladies ont fini par la submerger dans un univers de néant et de névroses qui nous détruisaient tous.
Elle voulait que tout soit en ordre, tout le temps, nettoyer tout avec de l’eau chaude bouillante ou de l’eau de javel pure, gratter le sol avec ses ongles s’il le fallait mais les germes, les germes devaient partir, c’était son obsession.

Elle contrôlait tout, on devait se laver les dents avec du chlore, laver les fruits avec de la térébenthine avant de les manger, nous laver les mains avant et après avoir touché quoi que ce soit (cela allait de la main d’un monsieur qu’on devait saluer a la télécommande du salon que maman ne voulait jamais voir avec ne serait-ce que quelques traces de doigts sur celle-ci, en tout temps l’hygiène entre notre poignet et notre index devait être impeccable).

Malgré tout, au début, mon pére avait du au moins tolérer les petites névroses de ma mère parce que je ne me souviens pas de les avoir déjà entendu se disputer.
Lui aussi avait eu une éducation stricte et il disait que cela ne pouvait nous faire que du bien, nous former un peu toute cette discipline et ce catéchèse de la propreté mais l’épisode de l’eau de javel a été la goutte de chlorure en trop et il a été brûlé cet abcès aussi bien que la peau de ma sœur Talia et la mienne, surtout que Talia a eu une érosion de la cornée du a l’hypochlorite après cela, pauvre Tania, elle a du perdre 1/3 de sa vue ce jour la et le reste ne lui a servi qu’a voir les claques de ma mère arriver.

Moi, je ne comprenais pas très bien ce qui se passait, c’est pourquoi d’ailleurs, a l’époque je me disais que ma mère voulait juste nous voir propre, propre enfin nous qui a ses yeux étions si sales, si sales tout le temps.
Il faut dire que ma sœur et moi étions pour elle les enfants du péchés, du moins c’est comme cela que le pére de ma mère nous appelait, notre grand-père donc, qui n’a jamais vraiment accepté que sa fille unique finisse par avoir deux rejetons avec un étudiant noir de passage.
Un trop plein de mélanine a laissé pour lui un goût amer, saleté qui a du mal a passer, quinine sans le bienfait.
Quand plus jeune, on passait nos vacances en Italie, mon grand-père nous appelait les petites mierdas, plus tard j’ai compris que ma mère nous javelliser pour mieux blanchir son péché, son erreur.

Mais cela n’a pas suffit et un jour, peu après qu’elle soit rentrée de l’hôpital psychiatrique, mon pére a baissé sa garde et a laissé ma mère nous amener, ma sœur et moi, pour une promenade.
Je pense que c’était la derniere fois qu’on la revu lui.
Si je me souviens bien tout s’est bien passé jusqu'à ce que ma mère nous amène au bord de la mer, elle a aperçu toute cette eau comme un grand bain immense d’où elle pourrait renaître en laissant ses péchés dans l’océan.

Ma mère est allée se baigner mais n’est jamais revenu, elle nous a abandonné dans la voiture et on a fini par brûler au soleil et plus tard la police a trouvé les corps calcinés de deux petits raisins secs.

Anthony Naglaa

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